jeudi 18 septembre 2014

Vallée de la mort ou des merveilles ?

Grosse journée que j’appréhende, chaude pour ne pas dire accablante et pas grand-chose à voir pour ceux qui sont insensibles à la beauté du monde minéral. Ce n’est pas mon cas, j’ai hâte d’y être, malgré les probables 50° de chaleur. Notre destination aujourd’hui est la Vallée de la mort.
Dès le départ, à peine quitté les faubourgs de Las Vegas, la route serpente au cœur de reliefs splendides.

Passé Mountain Spring, une longue ligne droite  que ponctuent, sur les côtés, des bosquets d’armoises, de cactus et de sarcobatus. Puis nous bifurquons, peu après Pahrump, pour pénétrer à nouveau en Californie, et plus précisément dans la Vallée de la mort.

Un désert impitoyable pour les colons et autres chercheurs d'or. On se remémore les westerns dans lesquels le héros s’y enfonce dans une fuite hypothétique mais salvatrice car c’est le héros, et Hollywood. Sinon, c’est les os blanchis garantis. Plateaux, collines, vallées, canyons, lacs salés, dunes de sable, gravières... C’est absolument splendide.
Par ces reliefs sans cesse différents, par ces couleurs sans cesse disparates, l’étonnement est continuel, sur des kilomètres. On ignore une route de traverse qui mène à Dante’s View. C’est pourtant le plus beau panorama qu’offre le désert de la mort. Faudra qu’on m’explique ce choix. Probablement justifié par le besoin de certains à bavarder sur un parking.

La route descend alors vers l'endroit le plus bas, le plus sec et le plus chaud d'Amérique du Nord
Heureusement, on s’arrête quand même à Zabriskie Point. Dans le cas contraire, j’aurai pété les plombs et je crois bien que j’aurai lâché le groupe pour la journée.

Nous arrivons à un croisement. Face à nous se dresse l’Amargosa Opera House and Hôtel. Il se dresse à l’entrée d’une petite cité construite dans le style colonial espagnol par la compagnie minière « Pacific Coast Borax Company ». L’hôtel est, dit-on, habité par quelques esprits surnaturels…

Plus loin, un bosquet d’arbres, un oasis américain qui paradoxalement évoque une fournaise et où se cache le Furnace Creek Ranch. Nous y déjeunerons, comme les centaines d’autres touristes. Faut juste faire la queue. Et comme de bien entendu, à peine arrivés, ça bavarde autour des motos, deux cars nous  passent devant... J’explose et L. le prend pour lui alors, qu’en fait, il n’y est pour rien. Louper La Perspective de Dante et perdre encore du temps, c’était trop pour moi. Personne d’autre ne semble s’en émouvoir. Je m’interroge sur mon état mental. Faudrait peut-être que je replonge dans le tabagisme…
La nourriture n’est pas trop mal pour cette usine, mais les conditions du service sont déplorables. Pourvu  qu’on ne s’y attarde pas ; il y a tant de choses à voir…
On reprend la route, sur des motos surchauffées, les vêtements aspergés d‘eau. Avec la vitesse, cela donne une sensation de fraicheur apaisante. A 14h, la température atteint 47° nous dira R. Mais, franchement, qu’importe, c’est si beau. Le soleil qui ricoche sur la roche et rebondit sur le sable, ne s’évanouissant que dans les vacillantes brumes de chaleur. Un panneau, Beatty Junction. Il n’y a rien. Si ce n’est une route qui débouche dont on ne sait d’où.

Un parking plus loin, installé au milieu de nulle part. Le nom d’un hôtel implanté à quelques miles nous donne quelques explications. Son nom, le Stovepipe Wells Village Hotel, signale la curiosité locale, un paysage de grandes et belles dunes dont la beauté s’éprouve le soir ; c’est sans doute pour cette raison qu’on ne s’y arrète pas. Il s’agit des Mesquite Flat Sand Dunes et du Stovepipe Wells. Des splendeurs dit-on. La présence hôtelière n’est donc pas fortuite.

De là, nous plongeons vers le sud au cœur d’une immensité minérale. Plus rien à voir si ce n’est la roche, le sable, la poussière. Enfin, quelques baraques, Darwin Wash, sans grand intérêt si ce n’est que quelques arbres proposent une chiche ombre. La route dès lors se met à serpenter. Perdu, à nouveau un parking pour les amateurs de points de vue, celui de Father Crowley, en l’honneur du père du désert.
John J. Crowley est connu pour s’être engagé dans la défense d’Owens Valley. À partir des années 1870, des pionniers s’étaient installés le long de la rivière Owens afin d’irriguer les champs et les vergers qu’ils défrichèrent dans cette vallée reculée. Elle devint, pour un court laps de temps, l'une des régions agricoles les plus productives de Californie. Le lac Owens vit même des bateaux à vapeur sur ses eaux. Cela changea, brutalement lorsque les projets d'irrigation gigantesques détournèrent l'eau de la vallée dans un aqueduc menant à Los Angeles, afin de répondre à sa croissance phénoménale. Cet épisode fait l'objet du film Chinatown. La vallée verdoyante d’Owens s’assécha alors puis se désertifia en un paysage hostile à toute implantation humaine. Le Père Crowley tenta d'aider les résidents de la vallée en essayant de remplacer l’agriculture par le tourisme, pendant les six dernières années de sa vie. Il parcourait au volant de sa vieille Ford toutes les routes et chemins de sa paroisse afin de réunir les habitants de la vallée et de les regrouper au sein d’un projet de sauvegarde de la communauté basée sur l’exploitation de la chasse, de la pêche, du ski, du cinéma et du tourisme qu’offraient les spectaculaires paysages de cette région. Il luttait également en écrivant une quantité d’articles sur une étonnante variété de sujets, toujours avec humour et humanité. Il organisa en 1937 la célèbre manifestation "The Wedding of the Waters".
Il ne cessait jamais d’exercer un sacerdoce plus prosaïque que théologique. En revenant d'un voyage à San Francisco en septembre 1940, sa voiture percuta un bouvillon qui errait sur la route, puis s’encastra dans un camion venant en sens inverse. Il fut tué sur le coup. Irving Stone écrivit un article célèbre sur le sujet 'Desert padre" dans le journal "Saturday Evening Post" du 20 mai 1944.

Nous ne sommes pas encore sortis de cet enfer splendide. Brutalement, la 190 bifurque sur la gauche, laissant la suite à la 136 à destination de Keeler. Ce n’est pas notre direction et nous conservons le bitume de la 190. Direction l’ouest, afin de contourner la vallée d’Owens par le sud.
Au loin, le lac Owells est aujourd’hui pratiquement asséché. De sa réalité, ne subsiste qu’une couche de sédiments blanchâtres et quelques zones d’humidité appréciées par les oiseaux qui n’ont pas cessé d’y passer.
Peu après, Olancha nous permettrait de remonter sur la ville fantôme de Cartago. Mais, vu l’heure, nous filons vers le sud sur la Highway 395, surnommée Aerospace Hwy. Nous laissons Indian Wells sur notre droite, longeant l’aqueduc de Los Angeles un peu plus à l’est, puis Armistead, Cinco, quelques baraquements qui semblent n’avoir de sens que par la route.

Peu avant Mojave, nous tournons sur la 165 en longeant l’ancienne Pacific Crest Trail avant d’arriver et franchir Tehachapi puis Golden Hills, Keene. Arrivés près d’Edison, le vert réapparait. Plus que quelques miles avant notre arrivée. Bakersfield.
Yep, l’hôtel possède une piscine. Je ne serai pas seul à y plonger. La journée aura donc été, dans l'ensemble, magnifique. D’autant que je l’attendais, cette ville. Le point de départ d’une autre aventure. « Il m'a déposé dans les quartiers sud de Bakersfield, et c'est là qu'a commencé mon aventure. Il s'est mis à faire froid. J'ai enfilé l'imper de l'Armée tout mince que j'avais acheté trois dollars à Oakland, et je suis resté là à me geler. Je m'étais posté devant un motel de style espagnol surchargé, qui étincelait de tous ses feux. Les voitures me filaient sous le nez à toute allure, elles allaient vers L.A. Je gesticulais comme un fou. Il faisait trop froid. Je suis resté planté là jusqu'à minuit. Deux heures d'affilée, je jurais et je sacrais tout ce que je savais. Je me serais cru revenu à Stuart, Iowa. Il ne me restait plus qu'une chose à faire, investir deux dollars et de la monnaie dans un billet de car et rallier Los Angeles. Je suis donc retourné sur la route de Bakersfield, et je me suis assis sur un banc de la gare routière. Dans la folie de la nuit, qui peut rêver la suite des événements ? » Voilà ce qu’écrivait Jack Kerouac

1 commentaire:

  1. Hello! Profitez bien de la chaleur... Nous venons de recevoir une carte de Montréal: températures entre 11 et 18° en ce moment. Ici l'été persévère. 25° en Normandie la semaine dernière. Idem à Savigny cette semaine. Les figues murissent...

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