La
matinée s’annonce, comme d’habitude, des plus belles et ensoleillées. Quittant
Bakersfield, on traverse Porterville, puis Strathmore, mais surtout des champs
envahis par des puits de pétrole qui se balancent en cadence. Ils sont si
proches les uns des autres que l’on peut se demander si chacun a tout
simplement dû y poser le sien.
A Lindsay, on quitte la 65 pour la 204, toujours
et encore vers le nord, laissant Exeter sur la gauche avant de bifurquer sur la
droite sur la 198. On a du mal à imaginer que l’on se dirige vers une forêt
millénaire dominée par des géants. Lorsque la terre sèche cède la place à de la
végétation, il ne s’agit alors que d’arbustes. Tout ici est planté d’agrumes.
D’ailleurs, on arrive à Lemon Cove. C’est tout dire. Pendant la grande
dépression, de nombreux migrants trouvaient un emploi dans ces plantations.
On
longe le lac Kaweah avant d’atteindre Three Rivers.
Arrêt près d’une
enseigne Subway afin que chacun puisse s’acheter un sandwich pour midi.
La
route serpente depuis que nous longeons la vallée de la Kaweah. Prélude à des
virages bien plus serrés lorsque nous pénétrons dans le Séquoia National
Park.
Ce parc est le plus ancien des parcs nationaux après celui de Yellowstone. Sa
création a permis de sauver les derniers exemplaires d’une espèce qui couvrait
alors toute la terre.
Au 19e siècle,
le nombre d’arbres abattus et débités en planches est absolument inimaginable.
La conquête de l’ouest n’aurait jamais été possible sans eux. Toutes les villes
ont été construites en bois. Les voies des chemins de fer, les bateaux, les
ponts, les étais, les clôtures et que sais-je encore. On parle assurément du
massacre de bisons. On oublie trop souvent cet autre génocide, qui d’ailleurs
perdure encore aujourd’hui, plus haut vers le nord.
A
l’entrée du parc, notre petit groupe s’égaille en fonction des affinités de
chacun. Nous pique-niquons près de la rivière, à l’ombre d’un grand arbre.
De
là, nous montons à l’assaut du mont Whitney en direction de la star du parc, le
Général Sherman, un séquoia, vieux de 4 000 ans, s'élevant à plus de 80 m de
hauteur. Nous ne sommes bien évidemment pas les seuls. La taille des "visiteurs" donne une idée de sa taille.
L’autre majesté, le
« Tunnel log », nécessite de prendre une petite route, la Crescent
Meadow Road, qui nous entrainerait inévitablement dans un périple
incompatible avec notre timing. Dommage. Juste une image récupérée sur Internet
pour expliquer qu’étant tombés sur la route, puis creusés pour laisser l’accès,
nombre de véhicules viennent se confronter à cette improbable rencontre.
Si
le début de la route à flanc de montagne était splendide, avec des points
de vues extraordinaires sur les vallées, maintenant nous roulons très lentement
sur un bitume qui part en lambeaux, cédant sous les gravillons et le sable.
Mais l'environnement de la forêt profonde, gigantesques séquoias et pins rouges,
est tout aussi magnifique. Lors d'un arrêt, nos jeunes compagnons d'échappée voient un ours. Ils étaient devant nous. Peut-être que notre arrivée en moto l'a fait
fuir.
Après nous être tous retrouvés au "Visitors
Center", nous reprenons la route vers une vallée absolument
extraordinaire. Sauf que nous nous sommes – une fois de plus – plantés. Au lieu
de prendre à gauche, la sortie du parc, nous avons pris à droite vers Kings
Canyon Park.
Une merveille, peu connue, car cette route est un cul de sac où
bien peu s’engage évidemment. Sauf nous ! Et comme de bien entendu,
personne ne s’en rend compte. Notre soirée sera dès lors, et comme d’habitude,
engagée dans une nouvelle course poursuite contre la montre, car, cette petite
bourde nous coûtera plus d’une heure aller-retour. Cette
fois-ci, je ne la ramène pas car je me suis régalé.
De toute façon, d’autres
s’en chargent. Seul ennui, la descente vers Woodlake, construite sur les berges
de Bravo lake, se fait dans la pénombre. Nous arrivons à Fresno de nuit. Pas grave, il parait que
c’est l’une des villes les plus débiles des USA selon le site Web
d'information américain « The Daily Beast ». Fresno que l’on
quitte en passant près de Pinedale, un camp de rassemblement de plusieurs
milliers de citoyens américains d’origine japonaise en 1942.
La
route franchit « Picayune Rancheria » la réserve indienne des
Chukchansi. Nous n’en verrons rien. Puis, enfin, notre destination Oakhurst.
L’origine
de la ville est le "Sierra Sky Ranch
Resort" niché entre de hauts bosquets de chênes et de
pins. A l’origine le Ranch Sierra fut la première ferme
d'élevage de la région. Elle devint en 1898, le plus
grand ranch de bétail en Californie. Cependant, dans les années
1930, le ranch fut vendu et transformé en
sanatorium puis l’armée y fit un hopital pour les nombreux blessés et
malades de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, il
sert de lieux de résidence des nombreux visiteurs du parc national
de Yosemite malgré – ou pour - une réputation sulfureuse : il
serait hanté par quatre esprits ; celui d’un vieux
cow-boy qui s'est suicidé au ranch, deux enfants qui sont
morts au sanatorium de tuberculose ainsi qu’une
infirmière. De nombreux événements étranges ont été
rapportés à son propos, comme cette odeur de
vieux parfum, un piano qui joue seul, de
soudaines brumes qui se mettent à flotter dans l'air, sans
aucune raison. Il est tard. Nous sommes une fois de plus épuisés. Nous n’avons
donc que faire de ces bagatelles. Un apéritif, offert pour se faire pardonner
l’erreur de parcours, sera toutefois le bienvenu.